Olivier Nicoleau :
Monsieur Bilis, merci davoir accepté notre invitation. Nous souhaitions vous
rencontrer car le mois de novembre sera cette année un peu particulier, en effet vous
célèbrerez les 10 ans de la sortie de votre première cassette de la série La Magie par
les Cartes qui compte depuis cette année un sixième volume. A quel public destiniez-vous
initialement cette cassette ?
Bernard Bilis : Hé !
oui 10 ans déjà, au début cette cassette était destinée au milieu purement magique,
des techniques de bases pour les débutants et puis nous avons eu une proposition du
producteur de la diffuser grand public. Etant donné que ce nétait pas les
supermarchés mais plutôt les magasins de type FNAC, cétait intéressant, quoique
cétait plus pour le principe, parce que finalement, nous en avons vendu beaucoup
plus dans les lieux magiques que dans les grandes surfaces. A la FNAC il y a tellement de
cassettes quil faut vraiment que la personne en ait envie pour la trouver.
Cest une cassette qui est sortie dans une dimension grand public et ce qui a été
formidable pour moi, cest que nous lavons présentée chez Dechavanne et
cest ce qui a fait que Dechavanne ma gardé pendant 4 ans sur TF1. Cest
quand même pas mal, (rires) donc rien que pour cela je ne regrette pas lopération.
O.N. : Première cassette qui
vieillit plutôt bien, elle na pas perdu de sa qualité et cest certainement
la plus complète pour les débutants.
B.B. : La plus complète
et la plus vendue, en fait le problème cest que dans beaucoup de cassettes, la
personne qui explique ne se met pas à la place de celui qui est en train dapprendre
et puis aujourdhui un peu tout le monde fait des cassettes. Certains sont de niveau
pour en faire et dautres feraient mieux de sabstenir, je ne veux pas
dénigrer, mais aujourdhui dès quune personne a trouvé cinq tours, il faut
quil fasse une cassette et une conférence, pour moi un conférencier représente un
niveau qui est supérieur à cela et surtout le conférencier nest pas un marchand
de trucs.
O.N. : Quelques chiffres sur cette
cassette ?
B.B. : Nous en sommes à
25 000 vendues.
O.N. : Et en ce qui concerne la
dernière ?
B.B. : La dernière est
sortie il y a sept mois, et nous en sommes déjà à plus de 1 000 vendues.
O.N. : Question traditionnelle,
comment avez-vous débuté la magie ?
B.B. : Mon père avait
joué une pièce au théâtre de la Michodière qui sappelait Gog et Magog, avec
François Perrier, Jacqueline Maillan, Roger Carel et pour la millième, ils avaient fait
une fête. A cette occasion mon père avait appris quelques tours. Je nétais pas
présent et je nen savais rien, quelques années plus tard, jétais dans
lappartement, je mennuyais un peu et je me suis mis à fouiller dans les
tiroirs, je suis tombé sur des foulards et autres objets. Lorsque mon père est rentré,
jai commencé à lui poser des questions, tout a démarré de cette manière.
Ensuite, mon premier professeur a été Georges Proust qui aujourdhui est à la
tête de lAcadémie de magie et du musée de la magie, cest quelquun qui
ma vu faire de la magie quand javais onze ans.
O.N. : Quel a été votre parcours
professionnel ?
B.B. : Jai tout
dabord appris la magie puisque pendant plusieurs années, jen ai fait
seulement pour mamuser entre amis. Mon premier close-up fut pour des soirées
événementielles pour des sociétés, javais quinze ans à peu prés.
Ensuite, jai servi dassistant à Gérard Majax dans lémission ya
un truc. Jai fait de plus en plus de galas. Après je suis devenu croupier, je me
suis arrêté, enfin je continuais à mentraîner mais officiellement javais
arrêté la prestidigitation pour faire le métier de croupier pendant trois ans. A la
suite de cela, je suis revenu à la magie et jai commencé à voler de mes propres
ailes. Auparavant javais tendance à être dans des équipes de close-up, mais je
navais pas vraiment de client direct, jen avais un de temps en temps mais pas
beaucoup, jai donc fait en sorte davoir mes propres clients.
O.N. : A quel moment avez-vous
rencontré Christophe Dechavanne ?
B.B. : En fait il y a dix
ans.
O.N. : Au moment de la réalisation
de la cassette ?
B.B. : Non, après la
réalisation, au moment de la sortie. On ma présenté à lémission de
Christophe Dechavanne, cest marrant parce que javais prévu plusieurs trucs au
cas où et quand je suis arrivé sur le plateau on ma dit « alors cest
simple, tu fais un truc mais alors rapide, puis Christophe présentera la cassette et
après tu te casses ça va durer trois minutes ». Le premier tour passé, Christophe
a été scotché, il ma alors demandé den faire un deuxième et au lieu de
rester les trois minutes initialement prévues, sur les 45 minutes de lémission, je
crois que jai fait 22 minutes à lantenne. La semaine daprès il
ma demandé si je pouvais recommencer, jai bien sûr accepté, après ma
prestation, il ma annoncé que javais une rubrique dans son émission.
Cest comme cela que cela a démarré.
O.N. : Donc la première fois
cétait en tant quinvité.
B.B. : Oui, la première
fois cétait simplement comme les gens qui viennent faire la promotion de leur
dernier disque ou livre, moi cétait ma première cassette.
O.N. : A présent vous apparaissez
dans lémission de Patrick Sébastien Le Plus Grand Cabaret du Monde. Certaines
personnes vous reprochent de ny présenter que des tours automatiques, que leur
répondez-vous ?
B.B. : Ce ne sont pas des
tours automatiques, il y a parfois quelques tours automatiques surtout quand je fais des
tours interactifs, sinon, ce sont des tours qui ne demandent pas obligatoirement une
grande technicité. Mais pour bien maîtriser une petite technique, il faut en posséder
une grande, surtout devant des gens comme Sébastien, ses invités ou bien Dechavanne. Ils
ne sont pas faciles à gérer, dans la mesure où ils ne sont pas comme un public normal.
Et puis, je ne suis pas là pour faire une
démonstration devant un congrès, je suis là pour faire découvrir le close-up aux gens
tout simplement, il faut savoir quil y a des effets qui nous sont classiques, mais
combien de gens encore, nont pas vu de close-up en live. Ils peuvent découvrir les
classiques, ce nest pas un problème.
Je peux dire aussi que quand je fais un truc original, comme faire la carte ambitieuse
avec des cartes blanches, que javais fait avec Sabatier il y a 15 ans, puis avec
Dechavanne il y a 10 ans et que jai refait avec Sébastien, de toute façon après,
tout le monde se jette sur des jeux de cartes blanches pour piquer la routine. Cest
là où ils nont rien compris, parce que quand jai fait cette routine, je me
suis dit quainsi jallais me démarquer des autres. Pourquoi ils veulent voir
des trucs originaux à la télé, pour pouvoir les enregistrer et les refaire
derrière, ce qui pourrait être sympathique. Mais ce qui serait plus sympathique,
cest quils en demandent lautorisation.
Ce qui me fait rire et ce nest pas une attaque envers Copperfield, mais quand
quelquun lui vole un truc, il y a un procès et cest tout de suite un
scandale, lorsquen revanche il sagit dun tour de cartes ce nest
pas un scandale, tout le monde trouve cela normal alors que finalement, la démarche est
exactement la même.
O.N. : Lors de vos prestations dans
cette émission, on remarque que Sébastien a tendance a anticiper un peu sur vos tours,
cela ne représente-til pas une gêne pour le déroulement de vos routines ?
B.B. : Il faut gérer,
cest pour cela que je dis que ce ne sont pas des gens faciles à gérer, ce sont des
gens adorables que ce soit Patrick, les invités ou Christophe, ils ont leur rôle à
remplir celui de diriger lémission. Ils peuvent donc interférer sans le vouloir,
sans aucune arrière pensée.
Dechavanne ne regardait pas les répétitions et au moment du tour, il pouvait réagir
instinctivement sous le coup de la surprise, si javais fait des trucs avec des fils,
il aurait pu prendre le truc, tirer dessus et casser le fil, mais pas dans
lintention de membêter car il ne savait pas ce qui allait se passer.
Sébastien, lui travaille différemment, il
voit les répétitions, nous en faisons deux ou trois avant lenregistrement. Il a
donc vu plusieurs fois le tours et parfois en voulant trop lexpliquer, parce
quil veut que les gens le comprennent bien, il peut casser mon timing mais encore
une fois, il ne le fait pas pour membêter, il adore, il vibre pour le close-up, il
va dans des restaurants à Paris ou il y a du close-up, il aime le spectacle et la magie
en général, il fait cette émission depuis plus de 4 ans car il adore ça. Alors
cest vrai que parfois, il est là, il explique un truc, il effrite un peu le
mystère, mais dun autre côté il promeut tellement bien notre art, ainsi que tous
les arts annexes, les arts du music hall. Car cest la première fois quune
émission sur ce thème prend cette ampleur depuis la piste aux étoiles qui était
consacré au cirque. Donc rien que pour cela, je crois que nous devrions tous lui tirer un
grand coup de chapeau.
Je connais des magiciens qui ont été vedettes qui nont jamais fait ce quil a
fait pour la magie.
O.N. : Vous étiez consultant
lémission Attention magie, mais aussi pour le show télévisé de Siegfried et Roy
et là, jai envie de vous demander pourquoi vous ?
B.B. : (Rires) Pourquoi
moi ? Cest compliqué, jai participé dune manière très minime à
ce show télé, mais cétait sympa de le faire. Je leur ai mis au point la
disparition de léléphant miniature, javais aussi donné des idées de
grandes illusions. Javais fait un dossier qua gardé Christian Fechner
dailleurs, avec trois ou quatre grandes illusions nouvelles, des effets qui auraient
pu avoir lieu mais qui nont pas été sélectionnés, mais ce nest pas grave,
cétait amusant de participer à cette aventure.
On me connaît surtout sur le côté
close-up, cartes, cest vrai que cest ce que jaime et que jadore
faire ça mais il y a quelques années, jai fait un one man show qui sappelait
Bilissimo qui sest joué trois mois au théâtre de dix heures, au festival
dAvignon et quelques villes en France ainsi que pour des soirées privées,
conventions et séminaires. Le côté théâtre mattire beaucoup, cest
certainement mon père qui ma transmis cette passion. Jai de nombreuses idées
de mise en scène, aussi bien pour des grandes illusions que pour du close-up ou de la
magie de scène. Je ne dis pas que je ferai de la grande illusion un jour, je ne pense
pas, mais peut être quun jour, jaiderai quelquun à faire la mise en
scène de son spectacle. Jai le sens de la mise en scène. Je capte bien ce qui va
ou ne va pas dans un numéro et ce quil faut changer.
O.N. : Justement le théâtre, on
entend souvent dire que les magiciens devraient prendre des cours de théâtre pour
apprendre à occuper lespace et développer leur côté artistique.
B.B. : Cest une
phrase qui a été dite plusieurs fois, vous êtes magicien devenez artiste. Pourquoi je
considère quil faut avoir une grande technique, cest parce que cette
technique, il faut lutiliser à bonne escient. Il ne faut pas en mettre
nimporte où nimporte comment, la technique et surtout les fioritures ne sont
que les éléments dun gâteau mais ce nest pas le gâteau en lui-même. La
technique doit servir à aller directement dun point à un autre, plutôt que de
faire choisir une carte, la faire remettre dans le jeu, le mélanger, le couper et ensuite
empalmer la carte, si on fait une side steal, on lempalme directement et on peut
donner le jeu à mélanger. Ce qui est intéressant cest daller droit au but
pour que leffet soit le plus net possible. Cest ce que permet une technique
difficile, plutôt que de passer par dix petites techniques qui paraissent longues et où
le spectateur peut se demander ce que le magicien trafique, on fait une technique rapide,
nette, efficace et on va droit au but. Mais cette technique là, après il faut
loublier, il faut quelle devienne instinctive et cest à partir de ce
moment là que lon peut sadonner complètement à la présentation, jouer avec
le public et cest là où cela devient artistique. Cest ce qui fait la
différence entre une personne qui fait des tours de cartes et un magicien.
O.N. : Vous qui connaissez du monde
dans le milieu de la télévision, navez-vous jamais eu envie de leur soumettre une
émission sur le close-up ?
B.B. : Il y a plein de
choses que jaimerais faire avec la magie ou avec les dérivés de la magie à la
télé mais vendre une émission ce nest pas évident, les producteurs en place
remplissent déjà le marché. Il nest pas facile de sinfiltrer. Pour le
moment je vis une aventure avec Sébastien. Jai rencontré des gens, y
aura-til des projets qui se feront dans les années à venir, jespère, mais
ce nest pas parce que je nen nai pas fait que je nai pas envie
den faire. Car je pense justement que jai des idées qui sortent des sentiers
battus. Les hasards des rencontres et les portes qui souvrent ou non. Avant de
rencontrer Dechavanne, javais démarché beaucoup de producteurs sans succès et
puis on a fait la cassette sans penser quelle sortirait grand public, on négocie
puis finalement elle sort grand public et lattaché de presse nous obtient un
passage chez Dechavanne qui craque, cest magique !
O.N. : Vous avez fait des passages
sur de nombreuses télévisions Européennes, Royaume-uni, Suisse, Belgique, cela fait de
vous un des rares magiciens Français connus à létranger.
B.B. : Connu cest un
bien grand mot, je suis passé aussi en Roumanie et en Italie, il faut savoir que
lémission de Sébastien est diffusée sur TV5, elle passe dans plein de pays du
monde. Je suis allé au Maroc cet été et je me suis fait arrêter dans la rue par des
gens qui me connaissaient grâce à TV5. Mais je ne suis pas une vedette, je ne pense pas
avoir pris la grosse tête, je sais que je suis très loin dêtre une vedette, je
suis quelquun qui passe à la télé et qui est un peu populaire.
O.N. : Au cours de votre carrière
vous avez rencontré des hommes politiques puissants, avez-vous des souvenirs ou anecdotes
que vous voudriez partager avec nous ?
B.B. : Javais
rencontré Michel Piccoli chez Christian Fechner et un jour, il mappelle en me
disant « Jai des amis qui viennent dîner, pourriez-vous passer ? ».
Jarrive chez lui dans le Marais et il me présente à ses invités, je ne voyais pas
vraiment car il se tenait devant eux, il me dit « Monsieur Roger Hanin, sa femme et
son beau-frère (François Mitterrand). », ça décontenance un peu quand on ne
sy attend pas. Quand on sait que lon va rencontrer quelquun on se
prépare mais là jétais surpris.
Je me souviens dune phrase de Mitterrand que jai adoré. Quand jeus
fini, il me dit « Vous faites de nous ce que vous voulez. », je nai
pas osé répondre que je nétais pas le seul (rires). Ce qui était drôle
cétait de voir cet homme avec tellement de pouvoir, qui était très intelligent,
que lon soit ou non de son côté, on doit admettre une chose, cest quil
était très intelligent. Et tout dun coup cet homme qui avait lhabitude
davoir le pouvoir, de maîtriser tout ce qui se passe, pendant trois quarts
dheure sest laissé entraîner dans quelque chose quil ne contrôlait
absolument pas.
Jai aussi rencontré le Roi du Maroc (Hassan II) dans son palais, cétait une
situation très drôle, il y avait un spectacle sur scène mais moi je venais faire du
close-up. Le Roi avait une petite table devant lui et à sa gauche une autre avec le
téléphone rouge en cas de problème politique durgence.
La salle était séparée par un paravent les hommes dun côté et les femmes de
lautre, je faisais des tours au Roi qui les racontait car la salle ne pouvait pas
voir ce que je faisais, seules les quatre personnes autour de lui pouvaient voir les
autres non, alors le Roi racontait ce qui se passait et tout le monde applaudissait. A
partir du moment où le Roi dit que cela se passe comme ça cest que cela se passe
comme ça, donc tout le monde applaudit.
O.N. : Vous avez aussi rencontré
le président Reagan.
B.B. : Alors ça
cest une affaire quavait eu Philippe Socrate, il sagissait dun
milliardaire américain qui a une grande propriété sur la côte dazur entre Menton
et Monaco et qui avait organisé une soirée avec beaucoup de personnalités de la
politique mondiale. Il y avait tellement de personnalités puissantes à cette soirée et
comme on mangeait dehors, pour éviter toutes attaques au-dessus de la propriété,
avaient été tendus des filets de camouflage, pour éviter quun hélicoptère ne
puisse repérer un invité. Le service de sécurité était composé dun commando du
Mossad et du GIGN détaché sur la soirée pour la protection et la sécurité.
Dailleurs, cétait une soirée impressionnante mais pas amusante parce
quil y avait un tel service dordre que tout le monde était tendu. Les
personnalités ont peut être lhabitude dêtre entourés de garde du corps
armés, mais on se sent un peu agressé.
Je préférais de loin les soirées de
Marcel Dassault qui malgré la présence nombreuse dhommes politiques internationaux
étaient beaucoup plus détendues, cétait la fête, les soirées de Marcel
Dassault étaient grandioses.
Je vais vous raconter une anecdote qui mest arrivée avec Philippe Socrate. Nous
étions jeunes, Philippe venait davoir son diplôme de médecin, cétait avant
quil arrête la médecine pour ne faire que de la magie. Il avait une 2 chevaux, il
passait me prendre et il avait reçu un macaron à mettre sur la voiture pour entrer dans
la propriété. Cest fabuleux cest un très beau souvenir. On arrive vers la
propriété de Marcel Dassault et on croise des motards, on les voit dans le rétroviseur
qui font demi-tour et ce que nous ne savions pas, cest que lorsquils voyaient
une voiture avec le macaron ils avaient lordre de lescorter. Nous sommes donc
arrivés dans une cour, dans laquelle il ny avait que des Rolls, des Ferrari, des
Porshes, et nous, nous arrivions en 2 chevaux escortés par des motards, ça nous a bien
fait rire. Ca restera un beau souvenir.
O.N. : La magie et Internet ?
B.B. : Ce qui me gêne
c'est l'absence de contact humain, moi je suis une personne qui aime les contacts. Avant
que toute la culture magique ne soit sur informatique et sur Internet cela va prendre du
temps. L'objet en lui même, prenez le livre, un livre cest magnifique, quand on
prend un livre relié en cuir, il y a même de très bons livres qui sont à spirales,
mais quand cest vraiment la matière quà vu lauteur au départ, cela a
une chaleur qui est autre. Donc je pense que le livre ne sera pas remplacé, cest
sûr quil y a aura pleins de choses que lon consultera sur Internet.
O.N. : A propos de livres avez-vous
des projets ?
B.B. : Jen ai un qui
est en préparation, mais ce nest pas pour tout de suite, cest un travail de
titan donc ce sera pour dans quelques années. Jai pas mal de techniques et de tours
qui nont jamais été publiés et quon na pas vu à la télé donc on
na pas pu me les piquer.
O.N. : Etes-vous plutôt livres ou
vidéos?
B.B. : Bien que ce soit
complémentaire, la bibliothèque est plus importante que la vidéothèque. La preuve
cest quavant quil y ait la vidéo, il y a des gens qui ont réussi à
apprendre en ne partant que des livres, alors que si on apprend tout ce quil y a
dans les vidéos on est loin de tout connaître.
Dans les jeunes magiciens même dans les têtes daffiche, je ne dirai pas de noms
mais jen ai rencontré un ou deux, qui nont appris que par la vidéo cela se
sent. La preuve cest que dès quon leur fait un truc de Vernon de 1960 ou de
Marlo, ils ne comprennent pas ce qui se passe, parce quen fait, ils nont
quune connaissance qui est très sélective. Ils sont certainement très doués et
ont des idées, mais ce quil nempêche quils nont pas le bagage
derrière.
O.N. : La culture magique semble en
régression qu'en pensez-vous ?
B.B. : Tout à fait,
combien de jeunes magiciens de 20, 25 ans en ce moment, ont lu un vieux livre comme The
Cardician de Marlo, combien ont lu Ultimate Secrets of Card Magic de Lewis Ganson sur Dai
Vernon. Au jour daujourdhui, on a sorti des bouquins extraordinaires, les deux
tomes qui ont été publié sur Alex Emsley, cest de la matière première
extraordinaire, je préfère de loin ça à 25 notes de conférences de je ne sais qui.
O.N. : Serez-vous présent à La
Haye pour la FISM en 2003 ?
B.B. : Peut être, nous
sommes actuellement en pourparler.
O.N. : Et lavenir ?
B.B. : Jaimerais
bien refaire un spectacle sur scène, jai plein didées de spectacles de
scène. Je pense que la magie ne demande quà se développer, le public est à peu
près prêt pour le voir, les producteurs sont hyper frileux, cest ça qui est
dommage. Lorsquun spectacle de magie se monte, peu importe la qualité, il est
important pour nous quil marche, parce que si justement il ne marche pas les
producteurs seront encore plus réticents. Nous ne sommes pas assez à avoir un show qui
tourne dans des salles publiques, si on fait un spectacle qui ne marche pas fatalement
cela a des conséquences sur tous les confrères.
O.N. : Pour conclure cet entretien
pourriez-vous partager avec nous quelques conseils ou réflexions sur la magie ?
B.B. : Le métier de
magicien est un métier de solitaire parce quil y a la notion de secret, même si
cette notion disparaît un peu avec Internet. Il faut voir un peu de magie, lire un peu de
magie mais pas trop non plus parce que sinon, on prend plein dinformations, que
lon oublie rapidement et puis surtout on ne crée pas, on na pas didées
de techniques ou de routines personnelles parce quon est toujours dans des moules.
En lisant trop, on devient très académique, dune grande connaissance mais on
manque dinstinct. Aujourdhui, on fait beaucoup de chose par théorie, on veut
tout analyser, cest bien mais pas trop. Je connais des magiciens qui sont très bons
mais qui manquent de spontanéité, de contact. Le close-up cest comme le Jazz,
toujours pareil mais jamais pareil, cest physique. Bien sûr quon respecte ces
théories, mais on les respecte instinctivement, je ne comprends pas que lon soit
obligé de dire quaprès tel truc il faut faire un temps darrêt, le magicien
devrait le sentir de lui-même cest évident ou bien il na rien compris.
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